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Interview de Alexandre Vingtier

Interview de Alexandre Vingtier

Posté le 
17
 
October
 
2014

Expert en spiritueux, créateur du magazine Rumporter et auteur de l’ouvrage « 101 rhums à découvrir ».

Alexandre Vingtier expert en spiritueux, créateur du magazine Rumporter et auteur de l’ouvrage « 101 rhums à découvrir » aux Editions Dunod nous fait partager son expertise sur le rhum et sa vision du ce spiritueux dans le monde du cocktail.

Ton parcours en quelques lignes :
A 17 ans, j’ai démarré avec mon frère une bibliothèque de spiritueux, en m’initiant parallèlement aux cocktails, mais pas encore à la mixologie. Pendant mes études à Sciences-Po, je suis parti dans le cadre d’Erasmus dans différents pays de l’Est, et c’est à ce moment que j’ai découvert les variétés de vodkas et que j’ai compris paradoxalement qu’il existait une notion de culture et de gastronomie dans les spiritueux. Ma carrière professionnelle dans le monde de l’alcool a vraiment commencé avec la Maison du Whisky par le biais d’un long stage mais au bout de trois semaines j’étais chargé d’acheter des single casks ou fûts uniques, la haute couture en matière de spiritueux. Je suis devenu Responsable de la Sélection, sélection que j’ai étendue à tous les spiritueux ; j’en dégustais environ 4 000 par an. Aujourd’hui, je multiplie les casquettes à mon propre compte : pigiste pour La Revue du Vin de France, rédacteur en chef de Rumporter, auteur, et consultant pour tous les corps de métier des spiritueux.

Tu t’es fait connaître pour ta grande expertise sur le whisky, quand est née cette passion pour le rhum ?

En 2007, en signant mon CDI à la Maison du Whisky. Je cherchais à intégrer dans notre portefeuille les spiritueux les plus traditionnels et les meilleurs de chaque pays, chaque île. En terme de whiskies, nos recherches convergeaient de plus en plus vers du haut de gamme, des bouteilles souvent plus âgées que moi mais il fallait garder les pieds sur terre. Pour moi, le rhum était une eau-de-vie plus accessible au niveau prix et goût avec une dimension historique importante et une incroyable diversité. époque, je n’avais pas vraiment le temps de me documenter ni d’aller aux Caraïbes, je rencontrais en France des négociants et des producteurs avec qui j’échangeais sur les différences de terroir, de matières premières, de techniques de distillation, etc. Mon premier coup de cœur a d’ailleurs été un single cask de Trois Rivières. Aujourd’hui, je pars environ tous les trois mois pour Rumporter à la découverte de nouveaux rhums.

Tu es l’auteur du nouvel ouvrage « 101 rhums à découvrir » qui est merveilleusement bien documenté, comment as-tu procédé pour ta sélection ?

La maison d’édition Dunod fait appel exclusivement à des experts. « 101 rhums à découvrir » représente un travail de longue haleine sur plusieurs années mais rédigé en quelques mois avec un rythme intense.

La sélection devait montrer la diversité de cette eau-de-vie : un tiers de rhums français et donc une majorité de rhums d’origines variées dont certaines moins connues comme le Japon ou les clairins d’Haïti. Mon autre facteur de sélection : des rhums pour la dégustation et les cocktails. Dans ce livre, chaque rhum intègre une partie historique, j’ai donc dû réaliser un important travail de documentation avec notamment trois livres français de référence qui m’ont permis de vérifier toutes mes sources historiques : « Le Rhum et sa fabrication » du scientifique Pairault en 1903, le premier ouvrage complet sur le rhum, « Rhum et eaux de vie de canne » de Kervégant en 1946, responsable de l’agriculture dans les DOM et « De la canne au rhum » édité par l’INRA en 1997.

Il existe aujourd’hui plusieurs catégories de rhums, les rhums ambrés qui comportent ceux vieillis en fût (rhum vieux) et les épicés ainsi que les rhums blancs; pourrais-tu nous en expliquer les nuances et différentes subtilités en terme de goût et utilisation ?”

Le vieux rhum, c’est un monde très vaste comprenant tous les âges. 0n peut parler d’équilibre et d’amplitude avec le fût de vieillissement. Un caviste vous dirigera vers un VSOP. Le rhum blanc notamment agricole, c’est la lecture d’un terroir qui se boit essentiellement en ti punch, parfois même sur glace. Pour moi le rhum ambré avec son goût vanillé et épicé s’utilise essentiellement en long dring.

Quel regard pour toi ont les Français sur le rhum en 2014 ?

Il est très positif. Le rhum se classe troisième sur le marché français des spiritueux après le whisky et les anisés, juste devant la vodka. Aujourd’hui, on consomme moins mais mieux. Ce que recherchent les consommateurs français dans le rhum désormais, c’est la qualité de vieillissement et le terroir d’origine.

Quelle est la place du rhum aujourd’hui dans l’univers du cocktail ?

Avec la chaleur, le rhum existait déjà en cocktail au XVIIIème siècle dans les Caraïbes,agrémenté de fruits frais et d’épices. En France, nous avons d’excellents bars comme Maria Loca, Dirty Dick et bientôt Mabel spécialisés en rhum mais majoritairement, la nouvelle génération de barmen n’est pas encore sensibilisée suffisamment au rhum agricole a contrario des Etats-Unis où il émerge très rapidement. Elle a encore besoin d’être formée et je pense que c’est le bon moment.

Quel type de rhum faut-il choisir pour réaliser un cocktail ?

Pour le rhum agricole blanc, je conseillerais le ti-punch en détournant la recette d’origine des Antilles avec par exemple différents agrumes. Pour le rhum épicé, optez pour un long drink avec du cola ou du ginger ale. Pour le rhum ambré, je compléterais avec du ginger beer ou ginger ale. Quand au vieux rhum pourquoi pas un manhattan ou un old fashioned mais un cocktail à base de vieux rhum agricole reste un sacrilège pour certains, personnellement j’adore le ti vieux !

Ton cocktail préféré à base du rhum Trois Rivières ?

Un cocktail à base de la Cuvée du Moulin de Trois Rivières associée à du ginger beer et des morceaux d’ananas frais ou caramélisé.

Tes bars à cocktail spécialisé dans le rhum en France et à l’Etranger ?

A Londres : l’Artesian l’art absolu du cocktail avec notamment son daïquiri et à Berlin, Lebenstern avec d’excellents drinks à des prix très abordables. A Paris, évidemment le Maria Loca et le Mary Celeste pour des cocktails à base de rhum sur mesure.

Merci Alexandre !

Retrouvez sur son ouvrage « 101 rhums à découvrir » sur le site de l’éditeur Dunod http://www.dunod.com/sciences-techniques/sciences-techniques-industrielles/agroalimentaireoenologie/101-rhums-decouvrir